Lecture

Sarah Gysler : Petite

Je ne sais même pas par où commencer. J’ai lu Petite, et ce livre m’a troublée. Énormément plu. Beaucoup fait réfléchir. Comprendre pas mal de choses… Que je savais déjà au fond.

Petite - Sarah Gysler

Sarah est une jeune femme qui décide un jour de tout plaquer, de sortir du moule de la société actuelle qui ne lui correspond pas du tout, qui l’exècre, et de partir sur les routes pour voyager et être enfin libre. Pour vivre et non plus survivre. Vivre une autre vie : celle qu’elle a choisie et non celle qu’on lui impose.

La société dans laquelle on a grandi a fait de nous des assistés émotionnels. On passe notre temps à essayer de faire plaisir, à vouloir rendre fiers nos parents, à écouter des conseils qui ne nous correspondent pas, et on finit par suivre une voie qui n’est pas la nôtre.

Ce voyage, elle le fait en stop (voiture, bateau, avion), et sans un sou en poche. C’est ce dernier point qui m’a donné envie de découvrir ce livre autobiographique. Vous connaissez mon goût du troc, de l’échange (de biens, de compétences…), mon désir d’une société qui se baserait principalement sur un mode de vie et de « consommation » où il ne serait pas question d’argent, ma fascination pour les personnes qui arrivent à vivre (presque) sans argent… Je vous avais d’ailleurs déjà parlé sur Facebook d’un ouvrage qui m’avait marquée, L’Homme sans argent, que j’avais également longtemps mis en avant dans la barre latérale du blog, rubrique « Mes (envies de) lectures ».

Dans ce récit de 190 pages – qui peut se lire facilement d’une traite tant il vous happe –, Sarah nous parle d’abord de son enfance difficile, avec le divorce de ses parents (« Mon père prit la porte, dans la gueule d’abord, puis définitivement. » ), la pauvreté, la méchanceté de ses camarades de classe, la maladie de son père, le caractère de sa mère et ses relations houleuses avec celle-ci… Viennent ensuite ses premières relations amoureuses, ses débuts chaotiques dans la vie professionnelle, sa fausse couche suite à un choc émotionnel… Bref, elle dresse un tableau des vingt premières années de sa vie, mais surtout de tout ce qui l’a poussée à partir. On ressent immédiatement son profond mal-être à vivre dans un monde qu’elle ne comprend pas et qui ne la comprend pas. C’est une écorchée vive.

Je n’ai jamais aimé l’école, ce grand bâtiment gris semblable à une prison ou un asile, dans lequel on nous enferme à la période la plus cruciale de notre développement. Comment l’État trouve-t-il pertinent de confiner un enfant du matin à la nuit tombée dans une classe surchauffée et bondée ? De surcroît avec l’ordre de rester plié sur une chaise en bois. Et en silence. […] À quel moment ce lieu, supposé produire de la culture, s’est transformé en abattoir de l’âme, en faucheuse de spontanéité ?

Avec Flex, on s’est démerdés. Nous étions de ces enfants qui grandissent avec une clef autour du cou, connaissent les numéros d’urgence par cœur et savent faire cuire des pâtes avant même d’être en mesure d’atteindre les casseroles.

La seconde partie de l’ouvrage relate ses premiers pas d’auto-stoppeuse, ses fabuleuses rencontres sur la route, les situations surprenantes, voire pour certaines (très) dangereuses, qu’elle a vécues, comme la fois où elle a failli mourir ensevelie sous la neige en Norvège. Sarah s’est trouvée grâce au voyage, s’est réconciliée avec elle-même et avec les autres. Elle qui avait une peur panique des gens, a dû se faire violence et aller vers l’Autre, dont elle avait besoin pour se déplacer, se nourrir ou se loger. Mais Sarah ne dépend pas que des autres : elle nous raconte par exemple qu’elle apprend à pêcher, à se nourrir des plantes comestibles qu’elle trouve dans la nature, peut marcher des kilomètres seule en forêt, passer également de nombreuses nuits seule, se trouvant un abri de fortune… C’est un bout de femme qui n’a pas plus peur, qui est libre et apaisé. Comme elle le dit si bien : la route l’a sauvée.

Sarah avec Mimou, son inséparable compagnon de voyage – Crédit photo : Sarah Gysler

Ce que j’en ai pensé :

Vous l’avez compris, je vous l’annonce dès le début : j’ai adoré ce livre. Il met une claque. Une claque de lucidité. La plume de Sarah est remarquable, et tellement vraie. Elle nous embarque immédiatement dans son monde. Ses mots sont profondément parlants, pleins de bon sens, celui que nombre de personnes ont perdu.  Sarah dis tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, et est d’une grande maturité pour son âge.

Je ne sais pas qui nous a mis ça dans la tête, qu’il ne fait faire qu’une seule chose dans notre vie. C’est sûrement la même personne qui nous demande de choisir qui l’on veut être pour toujours, alors que l’on n’a même pas atteint les quinze ans. J’avoue que je ne sais pas encore « ce que je veux faire quand je serai grande » , mais j’ai accepté qu’il n’existe pas de réponse unique à cette question. Et puis, si je ne sais pas précisément ce que je veux faire, je sais quelle femme je veux devenir. Ce voyage, c’est ma façon d’y accéder. Comme un passage initiatique à ma vie d’adulte.

Elle sait aussi prendre du recul, en partageant certains épisodes difficiles de sa vie avec beaucoup d’humour. Ainsi, sur les maltraitances subies par ses camarades de classe, elle dira : « Vous saurez que, grâce à moi, une loi interdisant aux élèves de noyer leurs camarades dans la fontaine de la cour a été ajoutée au règlement interne de l’école de Corsier-sur-Vevey en 2008. Un sticker d’une drôlerie irrésistible – illustré de l’icône barrée d’un garçon jetant une gamine échevelée dans un bassin d’eau – fut même apposé sur ladite fontaine ».

Ce que je trouve dommage, en revanche, et qui est le seul bémol à mes yeux, c’est que de nombreux passages du livre sont déjà présents sur le blog de Sarah, sous forme d’articles. Je vous conseille donc de ne pas consulter son blog avant d’avoir lu le livre pour un effet de surprise totale, sans impression de déjà-vu (ou de déjà-lu devrais-je dire ^^).

Petite - Sarah Gysler
Crédit photo : Sarah Gysler

C’est pas grave si je ne deviens jamais une grande personne, il paraît que c’est pas la taille qui compte. Et puis, on a toujours besoin d’une plus petite que soi.

Petite, Sarah Gysler
Éditions des Équateurs (clic)

https://livre.fnac.com/a11564964/Sarah-Gysler-Petite?awc=12665_1534768589_b02dfed86f459b11d75d735daed95fae&ectrans=1&Origin=Awin481947

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